Il y a 220 ans commençait la rédaction des cahiers de doléances. Pourquoi ne pas revivre au fil des années à venir quelques événements qui ont rythmé la vie de nos Maupillé, Maupillier durant ces années révolutionnaires ?
L’année 1788 est celle de tous les tourments : disette, cherté du pain, mauvaises récoltes, querelles politiques. Louis XVI, le 27 décembre 1788 décide de convoquer les Etats Généraux, qui n’avaient plus été réunis depuis plusieurs règnes. Les caisses sont vides, il faut lever l’impôt et réformer l’Etat.
Leur réunion doit avoir lieu le 27 avril 1789.
Entre ces deux dates commence un passionnant travail dans chaque paroisse, pour l’établissement de cahiers de doléances. Cette convocation fait souffler un immense vent d’espérance. L’effervescence et l’euphorie de la consultation du peuple sont réelles.
Le terrible hiver 1788-1789 a été comparable à celui du « grand hyver de 1709 ». La rigueur extrême a commencé le 15 octobre, puis s’est aggravée après le 21 novembre. Le thermomètre passe à -18,5° durant presque 8 semaines. La neige recouvre tout : le vin gèle dans les fûts, l’eau bouillante à peine sortie à l’air libre, se fige. La baie de Bourgneuf est gelée sur plusieurs kilomètres. Les promeneurs peuvent y marcher. Le grain gèle dans la terre, le gibier meurt en grande quantité dans les forêts, victime du froid et du manque de nourriture. Les châtaigniers ont gelé. La mortalité infantile est effrayante. Les mauvaises récoltes ont provoqué des émeutes, des bandes armées se forment dans le pays, où l’on pille les greniers à grains. Le feu couve.
C’est sans doute après la messe, où l’on publie les ordonnances, que nos Maupillier ont découvert cette convocation des Etats Généraux, à Mortagne, Saint Christophe du Bois, Evrunes, La Croix Bureau, Maulévrier, Moncoutant, Boismé, Fougères, Fougerolles.
Comment ont alors réagi ces hommes ?
Qui sont-ils ? Rappelons quelques noms :
- pour les descendants de Guillaume l’Aîné (M.V.M)François Maupillier, petit fils de Pierre Mathurin, maître tailleur de pierre, maître maçon à Maulévrier et son épouse Jeanne Brisset. François disparaît avant 1794. Jeanne Brisset enfermée aux prisons du calvaire d’Angers, décède le 10 avril 1794. Leur fils François, 3 ans et demi est décédé dans ces mêmes prisons le 6 avril 1794.
Jean Maupillier, 34 ans, fabricant de toile à Mortagne (fils de Jean-Baptiste) époux en 1785 de Jeanne Seguin. Ils ont déjà des enfants en bas âge, Jean-Baptiste-Armand né en 1785, le futur garde-chasse au Puy du Fou et Augustin né en 1788. On ignore le sort de Jean et de Jeanne Seguin entre 1793 et 1797. Le couple ne rentre à Mortagne qu’en 1797.
Jacques Maupillier, fils de Michel et petit fils de Pierre-Mathurin.
Louis Maupillier, fils de Jacques et Rénée Guicheteau, descendant de Pierre-Mathurin, a épousé en 1780 au Puy Saint Bonnet, Françoise Coutant. En 1788, il est certainement fabricant de toile à Mortagne. Combattant dans la cavalerie vendéenne, il disparaît au début de 1794 après s’être battu à Luçon aux Ponts de Minclaye.
Jacques Maupillier, son frère, est en 1789 l’époux de Céleste le Roy, il est tissrerand à Mortagne. Jacques disparaît entre 1793 et 1794, sans doute lors de la Virée de Galerne. Céleste le Roy est fusillée à Laval le 14 janvier 1794.
- du coté des descendants de Guillaume le Jeune (M.V.M)Jean Maupillier, laboureur aux Echaubrognes, a 34 ans en 1789. Il s’est battu dans l’armée royaliste et a survécu.
- et du coté M.C.MComment, Jacques-Louis Maupillier, de Boismé, fils de Jacques et Marie Payneau, si jeune en 1789, il n’a que 12 ans, a-t-il vécu ses évenements? En 1793 lorsqu’il commence les campagnes, il n’a que 15 ans.
Même chez les enfants le souvenir de ce qui s’est passé est exact. Marie Perrine, fille de Louis Maupillier a 10 ans en 1793. Elle se souvient fort bien adulte de tout ce qui s’est passé.
Impossible de prévoir le ravage de 1793. En 1794, la plupart de ces Maupillier ne seront déjà plus de ce monde, décédés de mort violente. N’anticipons pas. Ces Maupillier de 1789 ont encore la vie douce et paisible des hommes de la fin du XVIII° siècle, dans ce paysage de bocage et de gâtine. Ils ne veulent que vivre leur vie et élever leurs enfants.
En Bas-Poitou, la nouvelle est accueillie avec la même espérance qu’ailleurs. Dans les paroisses, où ils ont vécu, nos Maupillier ont sans doute planché sur ces cahiers de doléances.
La Vendée et les Deux-Sèvres n’existent pas. Le Bas-Poitou est une composante de la Généralité de Poitiers.
Les cahiers en « Vendée » traduisent à peu de choses près les mêmes demandes, que dans le reste de la France. Le Bas-Poitou ne se distingue pas encore. Rien ne préfigure 1793. Seule différence notoire, on ne critique pas la Noblesse, ni le petit Clergé.
Des députés sont choisis au sein de la paroisse pour l’établissement des cahiers de doléances, véritables exécutoires collectifs. En général toute la paroisse, et même les femmes, qui y sont expressement autorisées, assistent au débat public. Les 3 Ordres, Noblesse, Clergé et Tiers-Etat, rédigent les cahiers à remettre à leurs députés.
L’agitation s’empare des villages. Les esprits s’échauffent. Certaines personnalités sortent du lot. Des Bourgeois rédigent des libelles, des mémoires, des pamphlets. C’est une immense enquête nationale que demande le Roi. Les paroisses se prêtent au jeu, les paysans collaborent aux cahiers. Chaque paroisse a ses demandes propres. Les cahiers sont parfois inspirés de feuilles régionales rédigées par des pamphlétaires réformistes.
Beaucoup de cahiers du Bocage ont été brûlés en 1793. Il en reste surtout sur la côte vendéenne.Ils sont parfois le fruit d’un seul homme. Le curé Du Pin en Mauges, l’abbé Cantiteau rédige les cahiers de sa paroisse. Le cahier de Machecoul s’élève contre le nombre trop grand d’anoblisse – ments. A Couffé, on demande l’égalité dans l’accès aux charges publiques.
Certains cahiers de la Sénéchaussée de Fontenay indiquent que le Tiers-Etats n’entend pas contester les prérogatives de la noblesse. Il n’y a pas d’hostilité contre la noblesse de province cordiale et bienveillante avec les paysans. On demande même que les nobles puissent exercer un emploi sans déroger.
Pour ce qui est du clergé, le Tiers-Etat n’attaque pas l’Eglise, nis sa hierarchie, mais les impôts : la dîme et le boisselage. A la place on réclame un traitement fixe par curé. A Rocheservière, on veut la vente des biens des abbayes, dont le bénéfice ira aux curés. Beaucoup réclame de reformer la dîme et de vendre des biens des chaîtres et monastères pour aider les orphelinats, les hôpitaux, les pauvres. La réduction du train de vie du haut clergé est réclamée.
On demande aussi la suppression de la gabelle et des barrières douanières entre provinces. On réclame l’abolition de la capitation.
Et surtout, le paysan peste contre la milice et son tirage au sort qui emmène les hommes et en prend chaque année 75 000 dans le royaume. Pruniers, paroisse d’Anjou, demande que soient enrôlés les laquais de préférence aux laboureurs. En contrepartie, des paroisses réclament que la charge d’officiers soit accessible aux roturiers. Plusieurs paroisses demandent que soit supprimée la charge d’Intendant, remplacée par une assemblée des Etats provinciaux. Pour les impôts des cahiers que soient vendus des biens de la couronne, à l’exception des forêts utiles à la Marine, pour payer ses dettes. Pour l’ensemble, le Tiers-Etat poitevin veut régénérer la Nation. Il est hors d’idée de vouloir renverser le Roi.
Les délégués des trois ordres du Poitou se réunirent en mars 1789 à Poitiers sous l’égide de Boula de Nanteuil intendant. Les cahiers de doléances des paroisses font l’objet d’une synthèse. Le Tiers-Etat veut que le Roi et la Nation partagent le pouvoir législatif et que les Etats Généraux déterminent la quotité de l’impôt. Le Tiers-Etat du Poitou demande que les Etats Généraux puissent se réunir quand bon leur semble sans autorisation préalable du Roi. Le doublement des députés du Tiers est demandé tout comme le vote par tête et non par ordre. Le clergé du Poitou, pour plus des deux tiers rejoint le Tiers-Etat et demande le vote par tête. La Noblesse, elle, est partagée en deux courants l’un très conservateur, l’autre réformiste, proche des souhaits du Tiers Etat.
Révélateur d’un malaise et annonciateur d’espérance, les cahiers de doléances ont quitté les paroisses et sont partis avec les députés des trois ordres à Paris La vie continue en ces mois de 1789 pour nos Maupillier.
Frédéric Richard-Maupillier Bulletin n°69 – avril 2009