Les navires prennent en général par le cap d’Ambre au nord-est de Madagascar, passent à la vue des Seychelles puis filent par « le canal des forbans » entre les Maldives et les Languedives jusqu’aux Indes. Une fois la côte indienne en vue, les vaisseaux cabotent pour atteindre la rade de Pondichéry sur la côte de Coromandel (côte sud-est de l’Inde). La rade étant réputée dangereuse, les navires restent au large, on rejoint la ville par de petites embarcations à fond plat. La navigation depuis les Mascareignes a duré 6 semaines.
Le Maurepas longe enfin les côtes de l’Inde. Au début du XVIII siècle, le pays est soumis, dans sa plus grande partie, à la dynastie des empereurs mogols. En 1733, Mohamed Shah est l’empereur régnant. Il règne de 1719 à 1748. L’empire, pourtant puissant en 1707, à la mort de Aurangzeb, se désintégre au cours du siècle. La lente décadence de l’empire mogol se déroule sur fond de lutte entre les différents clans, de révoltes agraires et d’invasions ennemies. Le pouvoir impérial est menacé par celui des seigneurs locaux, les rajas.
Le Maurepas atteint Pondichéry à la fin août ou au début de septembre 1734. Implantés pour la première fois à Pondichéry, en 1607, les Français en furent chassés par les Hollandais. Le traité de Ryswick rendit Pondichéry à la France en 1698.
Jean Baptiste Maupillier fait escale à Pondichéry, le fleuron des comptoirs de la compagnie, l’entrepôt du commerce en Asie. Le séjour à Pondichéry « vaut celui d’une bonne ville d’Europe, la chaleur prés ». La ville compte plus de 150.000 habitants. C’est une ville à l’européenne avec un plan tracé en équerre. La qualité de l’urbanisme frappe tous les voyageurs. La Compagnie déploie sa splendeur à Pondichéry. Au nord-ouest de la ville, se trouve le quartier St Joseph, la ville noire et l’église des Jésuites. le quartier St Louis est celui de l’hôtel de la Compagnie et des cimetières. Au nord-est, St Laurent accueille le quartier français par excellence, l’église des Capucins, le bazar. Le quartier de l’hôpital au sud-ouest est celui de la ville noire nouvelle, des ateliers de peinture, de la mosquée. Les fêtes, les bordels et les promenades en palanquins sur les canaux de l’arrière pays sont les plaisirs les plus prisés par les hommes en relâche à Pondichéry. C’est une époque de paix, le gouverneur de la compagnie, Lenoir entretient de bonnes relations avec les voisins, Indiens, Anglais et Hollandais. Pondichéry qui aiguise les convoitises est entièrement fortifiée. La ville, siège d’un conseil supérieur de la Compagnie, règne sur 14 enclaves soit 29.000 hectares.
Jean Baptiste décrit ainsi cette partie de la côte de Coromandel :
« cette partie de l’Inde…est dans un climat fort chaud, où on ne connaît quasi pour toute saison que l’été, il y pleut très rarement, c’est ce qui cause une grande aridité de la terre qui ne produit ses fruits qu’avec beaucoup de peine, et qui sont sans beaucoup de substance ; aussi la nourriture que le pauvres indiens en retirent, sert-elle plutôt à les faire languir qu’à les faire vivre. Ils sont presque tous faibles et efféminés, leur nourriture ne leur fournissant que très peu de suc nourricier….ce qui rend sujets à quantités de fâcheuses maladies, telles sont le rachitis, la phtisie, le marasme, l’épilepsie, la catalepsie, la paralysie ».
Pondichéry est dominée par les agents de la Compagnie, une quarantaine d’hommes, (commis, huissiers, conseillers, officiers, marchands) « habitués à la vie molle », au luxe et menant grand train. Ils sont les maîtres de la ville blanche. Pour le reste Pondichéry est divisée entre les nombreuses castes de Marthes (indiens). On rencontre des chrétiens, des musulmans, des hindous, des métis, des esclaves noirs d’Afrique.
Le navire reste tout le mois de septembre 1734 à Pondichéry. Antoine Denibar, matelot, meurt le 13 septembre. L’état de l’équipage est préoccupant, de nombreux matelots sont malades. Plusieurs sont débarqués et laissés dans la ville, le 13 septembre, comme Jascques Coure, Louis Linguin, Elie Paxaud matelots et François Baillet et tout le long du même mois. Ils vont rejoindre la garnison de l’imposant fort Saint Louis, le plus puissant de la côte indienne, bâti sur le modèle de la citadelle de Tournai, conçue par Vauban. Le fort dont la pierre offre les reflets du « marbre blanc » occupe 5 hectares de surface.
Durant ce mois de septembre 1734, Jean Baptiste eut tout le loisir de connaître la ville, de côtoyer les babitants et d’assouvir sa curiosité. Il examina un enfant mort-né qui lui donnera l’occasion plus tard de rédiger une étude : « mémoire d’un enfant remarquable à figure monstrueuse né à Pondichéry dans les Indes orientales en 1734 dans l’empire du mogol…« . (Hamy « le nosencéphale pleurosone » in journal de l’anatomie mai 1874). Une statuette représentant l’enfant fut exécutée par le frère Loupias, jésuite et chirurgien de Pondichéry. Elle fut confiée à Baulieu officier à bord du Maurepas, puis offerte au célèbre chirurgien Petit, avant d’être donnée en 1749 à l’académie royale de chirurgie puis de prendre place au musée Dupuytren à Paris.
à suivre ….