Lieux de Mémoire : la Chapelle St Lazare
Le XII ° siècle voit la lèpre ou « mal de saint Ladre », qui est la forme romane de Lazare, prendre des proportions d’un fléau. Nous avons actuellement beaucoup de difficultés à nous imaginer la gravité et l’importance de ces épidémies qui frappaient toutes les couches de la population au Moyen-Age.
L’espérance de vie était dans ces moments là de moins de vingt ans.
Il faut se replacer dans le contexte du lieu et de l’époque. Les notions d’hygiène et de soins étaient bien loin de ce que nous connaissons aujourd’hui.
Selon Mathieu Paris, historien anglais qui vivait en 1250, il aurait fallu créer environ 19.000 léproseries ou ladreries, dans le royaume chrétien.
Mortagne et Saint Cristophe ne faisant pas exception, il fallut bien penser à ouvrir une léproserie. Le site choisi était comme d’habitude hors les murs. Il s’agissait en l’occurence d’une colline boisée et isolée à quelques centaines de mètres de Mortagne.
C’est en 1219 que fut fondé le prieuré de St Jacques et de St Lazare, autour duquel se développa la petite agglomération de St Lazare.
En 1225 une charte désigne ce prieurésous le nom de « Domus Leprosum », (maison des lépreux). Elle est sous la dépendance de l’abbaye de la « Sainte Trinité » de Mauléon.
Les dénominations de prieuré de St Jacques et de prieuré de St Lazare furent indifférement utilisées au cours des siècles. Au XX° siècle, on appelait communément la chapelle « chapelle des lépreux ». Les maisons jouxtant cette dernière étaient désignées sous le nom évocateur de « aumônerie ».
L’ensemble du prieuré comprenait la chapelle, l’aumônerie, la léproserie, une borderie et quelques maisons pour loger les religieux, les malades et quelques laics chargés de différents travaux.
En plus des dons, le prieuré recevait les revenus de plusieurs fermes, maisons, chapelles etc… sans oublier bien sûr les messes et autres offices.
Exemples de cérémonies célébrées en ce lieu :
– le 29 septembre 1630 , baptême de Claude Le Noyer. Le parrain est Mr Charles de Beaumont, écuyer, la marraine Claude Le Clerc, baronne de Castellaum.
– Le 9 septembre 1627, mariage de Jean Le Noir, escuyer de Bois Huguet, gentilhomme ordianire de Mr le Duc de Rtz avec françoise Le Guay.
Depuis la disparition de la léproserie, la chapelle a connu bien des propriétaires.
Vers 1700, elle appartenait à un chanoine de Mauléon. Juste avant la Révolution, c’était la « fabrique » de la paroisse de Mortagne qui la possédait.
Cependant quels qu’en furent les possesseurs, elle est toujours restée consacrée au culte public et ce, même après la révolution, qui vit la vente de tous les biens de l’église. Ce sont les époux Du Pérray qui se portèrent acquéreurs et qui généreusement en refirent don à la fabrique de Mortagne.
De tous ces bâtiments, il ne reste plus que la chapelle. Vers 1850, elle était en très mauvais état. C’est Mr le curé Poisson qui fit faire les travaux de remise en état.
En ce moment même (en 1994), elle vient à nouveau d’être restaurée intérieurement.
La petite prairie qui l’entoure est refaite ainsi que le parvis et l’escalier d’accès. Il faut reconnaître qu’elle a assez belle allure.
Ne pas oublier que si nous nous interessons tant à ce lieu, c’est que les « Maupilier »ont été proches voisins pendant plusieurs siècles. Ce qui fait qu’ils devaient venir plus volontiers aux offices ici plutôt qu’à Mortagne ou à St Christophe.
La chapelle est un petit édifice rectangulaire. Elle a 15 m de long sur 5,60 m de large. Les murs ont 0,85 m d’épaisseur en haut et 1,10 m à la base.
Elle est éclairée au chevet par une fenêtre en arc brisé, à deux meneaux qui semble relativement récente.
Du coté de l’évangile, il y a une petite fenêtre étroite en plein cintre.
Un oeil de boeuf au dessus de la porte d’entrée donne un très bel éclairage au soleil couchant.
Un petit clocher ouvert surmonté d’une croix patée s élève au dessus de la façade. La petite cloche n’a aucune inscription.
Cette cloche, qui a sonné depuis tant de siècles dans la joie ou la peine, est aujourd’hui cassée.
Ce qui amène à émettre une suggestion. Pourquoi les « Maupilier » pour qui elle a été pendant si longtemps un signal et un guiden’en offriraient-ils pas une nouvelle ?
Ce serait un geste de reconnaissance envers tout ceux qui nous ont précédés et un petit clin d’oeil pour ceux qui nous succéderont.
Enfin, l’ancien puits qui fournissait l’eau à la léproserie existe toujours.
Voici, brièvement, l’histoire de cette petite chapelle de St Lazare.
On comprend mieux maintenant pourquoi, elle représente tant pour nous et pourquoi lorsque nous allons nous y recueillir nous nous sentons si transportés d’émotion.
On peut dire en la regardant qu’elle est simple, relativement austère sans être sévère, équilibrée. Elle reflète une force tranquille et beaucoup de joie intérieure…
Mais au fait….n’est ce pas tout simplement le symbole même de l’âme du vendéen qui est en tout un « Maupillier ».
Cet article documenté par Gilles Picherit a été publié dans le bulletin de l’association « Nos Trois Branches » n° 36 de Décembre 1994.